samedi 1 décembre 2012

Mali: Les femmes veulent avoir leur mot à dire dans la gestion de la crise


Le Républicain du 27/11/2012 : Crise du Nord - Victimes, les femmes veulent être sur la première ligne dans la résolution

« Nous demandons l’implication des femmes dans tout le dispositif de règlement de cette crise qui secoue le Mali ». Cette phrase de Mme Traoré Oumou Touré de la CAFO, résume la conférence de presse animée, le 24 novembre 2012, au Palais de la culture, par « Les femmes du Mali ».

Haoua Assawadana, la Présidente de l’Association « Moussow Ben Kan », a indiqué que les femmes du Mali, qui ont déjà fait beaucoup dans la résolution de la crise du Mali, ont décidé de sortir de l’ombre. Selon elle, depuis quelques jours, elles sont interpellées par la presse qui estime qu’elles ont disparu depuis le déclenchement de la crise multiforme. « Nous n’avons pas médiatisé nos activités, mais nous vous assurons que nous avons beaucoup fait pour le retour rapide de la quiétude au Mali et nous continuerons de nous battre pour que ce pays retrouve la paix définitive », a-t-elle déclaré. Mme Traoré Oumou Toure de la CAFO et Mme Daou Oumou Dembélé du cadre de concertations des femmes des partis politiques, ont longuement entretenu les journalistes sur les activités menées par les femmes du Mali depuis le déclenchement de la crise. Pour sa part, Me Djourté a exposé sur les conséquences cette crise sur les femmes. Mme Traoré Oumou Touré a rappelé que c’est sur initiative des femmes du Mali que tous les acteurs politiques du Mali se sont retrouvés au vestibule des familles fondatrices de Bamako, pour prendre langue pour la première fois depuis le début de cette crise. « Ce jour-la, il a été convenu de l’organisation d’un espace beaucoup plus élargi et ouvert pour que les maliens se parlent, afin de se donner la main pour aller libérer les régions au nord du pays », a-t-elle indiqué. Elle a aussi rappelé la grande prière organisée par les femmes du Mali pour le retour rapide de la paix. Mais, Mme Traoré Oumou Touré a surtout dénoncé la stratégie qui consiste à mettre les femmes en dehors de toutes les structures de résolutions de la crise que traverse le Mali. Rappelant la supériorité numérique du nombre des femmes, elle a estimé que rien de viable ne pourra se faire au Mali sans leur pleine participation. « Nous demandons l’implication des femmes du Mali dans tout le dispositif de règlement de la crise qui secoue le Mali ». a-t-elle exigé. Pour sa part, Me Djourté, après avoir décrit dans leurs moindres détails toutes les atrocités et toutes les souffrances des femmes en cette période de crise ouverte au Nord du Mali, a indiqué que les femmes du Mali ne vont jamais négocier l’impunité des violations des droits humains, notamment des femmes dans le nord du Mali. « Mettre le Mali, sa paix et sa cohésion sociale au déçu de la recherche du pouvoir », telle est la conviction que les femmes du Mali veulent partager avec tous les acteurs politiques du pays.

lundi 26 novembre 2012

Quand la violence et l'humiliation deviennent le quotidien de la femme...

Ce dimanche 25 novembre a été célébrée la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. C’est le moment pour plusieurs pays de faire un bilan  sur la situation et la condition de la femme au sein de la société. Si les progrès ont été enregistrés dans une poignée de pays, dans la grande majorité des Etats, la situation de la femme reste délétère. Et parmi ces pays figure le Mali, où la femme a vu se détériorer ses conditions de vie et ses droits s’amenuiser.

Au Mali, les femmes  représentent 52 % d’une population rurale à 80 %, vivant en dessous du seuil de pauvreté à 64,2 %. Elles constituent un groupe particulièrement défavorisé, voire marginalisé : aucune instruction pour 71,7% des femmes de 15 à 49 ans, un taux d’alphabétisation faible de 12,1% contre 48,3% pour les hommes, les taux bruts de scolarisation des filles s’élèvent à 53,7% contre 75,3% pour les garçons  au niveau de l’enseignement primaire et avec des déperditions plus fréquentes des filles en cours de cursus scolaire. Les femmes maliennes font aussi face à une forte mortalité maternelle et un très faible accès aux instances de prises de décision, une quinzaine de femmes députés sur  environ 147 hommes à l’Assemblée Nationale, 3 femmes Ministres sur un Gouvernement de 31 membres, ainsi qu’un statut juridique des femmes marqué par des dispositions discriminatoires dans les textes de loi, la non reconnaissance de certains de leurs droits dans les faits et la méconnaissance de leurs droits par les femmes elles-mêmes.

Quelques faits marquants…

Souvenons-nous, le 2 décembre 2011, l’assemblée nationale du Mali a adopté à l’unanimité, un nouveau code de la famille, deux ans après le rejet du précédent, qui accordait à la femme plus de droits, mais qui a malheureusement manqué la bénédiction d’une catégorie sociale, notamment les communautés musulmanes du pays. Pendant que le précédent  code limitait l’âge minimum légal pour le  mariage des jeunes filles à 18 ans, le nouveau, quand à lui l’a ramené à 16 ans. En outre, si le premier promouvait l’égalité des genres, le second accorde moins de liberté et d’égalité aux  femmes.  Ce constat est encore plus effrayant dans un contexte de conflit et d’occupation des régions maliennes du Nord par les groupes islamistes.

Les femmes, entre oppressions, viols, humiliations et privations…

Depuis près de huit mois, les femmes maliennes, particulièrement celles dans le Nord du pays sont confrontées à une toute autre réalité, à savoir l’occupation islamiste  et ses corollaires qui n’ont eu d’autres effets que la régression qui mine incontestablement à leurs droits qui jusque là étaient garantis dans la législation malienne.

L’administration traditionnelle s’étant exilée, les bandits armés, les terroristes et narcotrafiquants font régner leurs lois en toute impunité et en toute illégalité. Ils s’autorisent à des pratiques portant une atteinte grave aux droits et libertés des populations, telles que des lapidations, des flagellations et des coupures d’oreilles. Les femmes, désormais considérées comme des objets  se voient  menacées, intimidées et privées du minimum de leurs droits au quotidien. Elles doivent se couvrir de la tête,  aux pieds, sous peine de sanctions, sous une chaleur avoisinant les 40°C et dans un pays autrefois laïc et démocratique et où personne ne pouvait leur imposer quoique ce soit.

Les jeunes filles ne sont pas épargnées. Elles sont violées et subissent des mariages forcés, masqués par des unions à durées déterminées. Car il ne faut oublier, toute occupation a une fin. Et donc viendra le moment, où la question relative au sort de toutes ces filles, victimes de  viols et de mariages forcés, ainsi qu'à celui des enfants qui naîtront dans ces unions éphémères se posera.

En outre, au moment où l’on parle de reconquête de l’intégrité territoriale du Mali, ne serait-il pas utile de penser la gestion de cette occupation, ainsi que ses effets collatéraux ? Avons-nous une idée des projets en vue de la reconstruction du pays et particulièrement celle qui sera propice aux régions actuellement occupées ? Quels plans avons-nous pour restaurer l’autorité de l’Etat dans des régions où une partie des populations  se dit favorable à la présence des islamistes, car, dit-elle au moins eux ils sont présents, contrairement aux autorités maliennes. Quelles sont les plans stratégiques que le Mali compte  mettre en place pour faire respecter et consolider les droits et libertés des populations et ceux des femmes et des jeunes filles en particulier et en même temps reconquérir leur confiance?

La mise en œuvre d’une telle politique, ainsi que les réponses à ces questions pourraient être favorables notamment à la protection des droits des jeunes filles ainsi que des enfants issus de l’occupation, qui pourraient être perçus plus tard par la société, comme des enfants de la honte. Cette reconnaissance nationale constituera un pas vers la cohésion sociale, l’instauration d’une paix durable, du développement économique, ainsi que l’épanouissement des populations au sein de leurs propres sociétés.

Pour ce faire, le Mali aura donc le devoir de prendre son destin en main et mener la guerre contre l’occupation seul ou avec la communauté internationale. Cette dernière  se montre de moins en moins crédible dans ses intentions d’aider les Maliens à recouvrer l’intégrité de leurs territoires, si on en croit aux déclarations faites par Romano Prodi, l’envoyé spécial de l’ONU pour le Sahel.

Car, si le président Nigérian Goodluck Jonathan a résolument plaidé pour une intervention militaire rapide et brève dans le Nord du Mali, lors du sommet des chefs d’Etats de la CDEAO, le 11 novembre dernier, Romano Prodi, quant à lui n’envisage cette intervention qu'à partir de septembre 2013. Ce dernier croit encore à une solution politique de la crise malienne et souhaite se donner du temps soit pour convaincre les Africains et le Mali en particulier d’abandonner tout projet visant à une intervention militaire, soit une manière  pour lui de dire aux autorités maliennes de prendre leurs responsabilités face à l’envahissement terroriste sur leurs territoires.

Et si on devenait un peu plus réaliste ?

Comment devrions-nous interpréter la déclaration de Prodi, quand on sait que le Mali a été encouragé et a même subi des pressions notamment internationales pour formuler une requête auprès de la CEDAO et de l’ONU en vue d’une intervention militaire ? Et au moment où tout semble conduire le pays à l’option militaire, des voix, non moins importantes se lèvent pour promouvoir la solution politique et diplomatique malgré la terreur et l’oppression islamiste, ainsi que les nombreuses violations des droits de l’Homme commises contre les populations maliennes dans les villes occupées. A ceux-ci s’ajoute la détermination des terroristes à ne quitter les terres maliennes que jusqu'au dernier coup de feu.
 
Cependant, en attendant le mois de septembre 2013, les populations maliennes, particulièrement les plus vulnérables, à savoir les femmes, les enfants et les jeunes continueront à être violées, humiliées et à subir des amputations, des flagellations et des lapidations, au vu et au su du monde entier, sans que cela ne dérange qui que ce soit.

Quant à  l’Etat malien, sera-t-il à ce  point faible et craintif au point de ne pas lever le petit doigt contre ceux qui font régner la terreur contre son peuple ? Ou prendra t-il des initiatives comme l’a fait récemment, le MNLA, un mouvement très petit par rapport à toute une armée nationale du Mali ? Les autorités maliennes, ainsi que leur armée manqueraient-elles de volonté à ce point ? Un adage Bambara n'affirme t-il pas que «mieux vaut mourir que vivre dans la honte ?

Quelques soient les solutions en vue de la gestion de la crise, les femmes maliennes resteront les premières à subir l’indifférence des autorités maliennes, ainsi que les violences, l’humiliation et les privations imposées par les lois de la charia. Elles devront encore attendre des années,  pour  se voir accordés leurs droits et libertés, dans un pays où la religion prend une place croissante et où les communautés religieuses, notamment musulmanes influent sur les décisions prises par des autorités publiques.