vendredi 2 novembre 2012

Quand IBK tente de sortir la tête hors de l’eau

La presse malienne s’est intéressée, dans son ensemble à l’interview d’Ibrahim Boubacar Keita (IBK ) qu'il a accordée à un média français cette semaine. Et d'une façon générale, elle a largement diffusé l’intégralité de cette interview. Il y a eu donc très peu voir aucune analyse de cette interview. C’est la raison pour laquelle et dans le souci mieux éclairer l’opinion nationale malienne, j’ai décidé de publier ce que j’ai compris et retenu de l'interview d’Ibrahim Boubacar Keita.

Je tiens à souligner que mon analyse se base sur des faits concrets, et  ne doit en aucune manière être considérée comme un règlement de compte personnel. C’est simplement  par souci d’intégrité, de neutralité, mais surtout la volonté de guider, éclairer et avertir les maliens sur les questions relatives à leur société et à son développement.

Pour commencer, intéressons-nous à la forme du discours d’IBK :

Au moment où la communauté internationale s’active à voler au secours du Mali, afin que celui-ci  se libère  du joug de l’oppression des islamistes et des narcotrafiquants et recouvre  l’intégrité de son territoire, cette personnalité publique, non moins importante du paysage politique malien, qui, à l’instar d’autres personnalités politiques a fait le choix de se réfugier dans un silence presque agaçant, tente enfin de sortir la tête hors de l’eau pour donner sa version des faits. Et pour se faire entendre, IBK  a choisi, non pas à un média malien, mais RFI, ce 31 octobre 2012.

Dans cette interview, Monsieur Ibrahim Boubacar Keita (IBK) a désigné le président Amadou Toumani Touré (ATT) comme l’unique coupable  du malheur qui s’acharne sur le Mali depuis le 22  mars dernier, date à laquelle, celui-ci a été évincé du pouvoir par un coup d’Etat militaire, seulement un mois de la fin de son mandat. Selon lui, ATT ne saurait partager cette lourde responsabilité avec quiconque, puisque c’est lui et lui seul qui a donné à l’armée malienne, l’ordre d’évacuer la ville de Tessalit en février dernier.

Pour mieux mesurer le poids des propos tenus par  Ibrahim Boubacar Keita, il est utile de se rappeler qu’il est le président du Parti pour le Rassemblement du Mali (RPM) et candidat aux élections présidentielles pour la troisième fois. En outre, IBK a été le président de l’Assemblée Nationale du Mali de 2002 à 2007, pendant les cinq premières années du mandat du Président Amadou Toumani Touré.

On se souvient encore de cette déclaration qu'il a faite à la presse au lendemain de son écrasante victoire aux élections législatives de 2002 : « désormais, je travaillerai avec mon frère ATT, non pas en face à face, mais en côte à côte » Et 10 ans plus tard, ATT est devenu persona non gratta aux yeux d’IBK. Et pendant 10 ans  les responsables politiques maliens, se sont attribués les postes, ont joué à fond au copinage dans la gestion des affaires publiques et l’accès à l’emploi,  laissant pour compte le peuple malien et ses souffrances quotidiennes.

IBK, dans son interview, a défendu la même thèse que les auteurs du coup d’Etat du 22 mars 2012, à savoir, que le président ATT est la cause de tous les malheurs du peuple malien. Loin de moi l’idée de défendre le président déchu, celui là même qui a ouvert la porte à la corruption et au copinage au sommet de l’Etat. Mais il convient néanmoins de souligner que M. Keita a été l’une des rares personnalités politiques maliennes à n’avoir pas été touchée par la junte, depuis le début de cette crise. Allez savoir pourquoi.

Et ma préoccupation  principale, en tant que citoyenne malienne, c’est de savoir, comment a-t-on pu laisser une seule personne la gestion de toute une nation ? En outre, dans cette interview, qu’ IBK a bien voulu accorder à RFI, il affirme avoir pleuré, lorsqu'il a appris la chute de la ville de Tessalit par les rebelles touaregs et leurs alliés islamistes et narcotrafiquants. Je pense que nous attendons plus  d’un responsable politique, que des larmes, considérés comme un signe de faiblesse ou d’incapacité, surtout face à des personnes qui n’ont de cœur que de tuer, violer , lapider ou flageller.


Nous avons besoin de leaders, capables d’agir avec fermeté et constance  et qui savent anticiper  les crises. Hors, en décidant de « travailler en cote à cote avec ATT » Devrait-il s’étonner des agissements de fin de mandat de ce denier ? Et dès cet instant précis, n’a-t-il pas décidé de se dédouaner de sa responsabilité vis-à-vis du peuple malien ? De surcroît  peut-on parler de cohérence entre le discours d’IBK de 2002 et celui annoncé sur les antennes de RFI ? Enfin, est-il possible d’être autrefois en phase avec le président déchu et aujourd’hui avec les auteurs du coup d’Etat de mars 2012 ?

Arrêt sur le discours d’IBK : Ce qu'il a dit et ce qu'il a tu 

Le discours de Monsieur Keita s’est articulé autour de trois points principaux à savoir:
La responsabilité du président ATT  dans le basculement du pays dans les heures les plus sombres de son histoire ;
Les querelles intestines qui empêchent la classe politique malienne de s’unir et de présenter un plan crédible  l’union nationale, la gestion et la sortie de crise ;
Son soutien aux actions du président Traoré et à celles de la communauté internationale en faveur du Mali.

IBK, le républicain et fervent défenseur de la démocratie, des droits de l’Homme et de la bonne gouvernance a omis de dire quoi?

Personnellement, j’aurais apprécié entendre IBK :
dénoncer le coup d’Etat qui a réduit au néant les efforts énormes  faits par le Mali au cours de ces 20 dernières années en matière de démocratie et de développement social et ouvert la porte de l’impunité dans le pays ;
prôner la mise en place d’un Etat de droit ;
insister sur la nécessité de favoriser la création d’un environnement propice à la démocratie, au respect des droits  individuels, à la liberté d’exprimer ses opinions sans en être inquiété  de quelque manière que ce soit ;
prôner l’émergence d’une société civile forte et autonome au Mali ;
proposer des mesures concrètes au peuple du Mali, pour une meilleure sortie de crise, ainsi qu'une meilleure reconstruction du pays et des régions maliennes du Nord en particulier ;
dénoncer les nombreuses violations des droits humains particulièrement à Bamako, depuis le coup de mars dernier, une pratique qui reste toujours très courante, notamment dans la capitale.

Par ailleurs, aussi étonnant que cela puise paraître, aucun de ces fondements d’un Etat de droit, démocratique et républicain n’a été mentionné par Monsieur Keita.
Cependant, comment devrions-nous interpréter cette omission de la part d’une personnalité politique et publique au moment où  le Mali se voit dépossédé de tous ces précieux acquis ?
Les maliens ont fait preuve d’une  très grande indulgence au cours de ces 20 dernières années. Aucun compte n’a été demandé à l’Etat et à ses dirigeants. Ce manque de vigilance ou ce laisser-aller a laissé la place à la construction d’un Etat corrompu, faible et bafoué, en témoigne la crise sans précédent qui sévit dans le pays depuis des mois.

Compte tenu de cette grave crise que traverse le Mali et les souffrances vécues par ses populations, n’est-il pas nécessaire, voir obligatoire que nos responsables politiques réfléchissent des bases saines et transparentes à un Etat solide et démocratique ? Je pense que cette exigence  ne sera pas possible tant qu'ils continuent à se dénigrer et à se rejeter les responsabilités. Ils doivent tous reconnaître  leurs parts de responsabilités  dans la crise actuelle et prouver leurs crédibilités à la nation malienne en proposant de nouvelles stratégies de gestions des affaires publiques, pour favoriser le développement  du pays, le partage des richesses, l’accès au marché du travail à tous les jeunes du Mali, sans considérations sociales, politiques ou culturelles.

En clair, comment chaque citoyen malien, qu'il soit du Nord, du Sud, d’Ouest ou d’Est puisse retrouver sa place dans la République, en ne laissant personne au bord de la route ? Telle doit être dorénavant la seule préoccupation de chaque responsable politique qui souhaite s’investir pour la cause du peuple malien.



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