Je suis extrêmement choquée par ce qui
se passe entre l'ORTM et le Haut Conseil Islamique depuis un certain moment. Et
encore plus effarée en apprenant qu’il y a eu une rencontre visant à concilier
les deux parties, sur initiative du ministre de l'administration
territoriale. Je pense que les
médias d'une façon générale et l'ORTM en particulier
doivent garder leur indépendance et leur liberté. Le HCI n'a ni à fixer la
ligne éditoriale de l'ORTM, ni à décider qui est habilité ou pas à diriger cet
organe national.
J'ai peur que le mélange des genres
ait encore du chemin devant lui au Mali. Comment pouvons-nous comprendre la
tentative du Haut Conseil Islamique d’imposer ses règles au directeur de l’ORTM
ou de donner un avis sur la personne qui est sensée ou pas diriger ce média
public? Depuis quand, donnons-nous ce pouvoir aux musulmans du Mali ? Le pays
est-il devenu un Etat islamique ? Et dans ce cas que ferons-nous des autres
religions, que ferons-nous des nombreux maliens qui ne disposent d’aucune
religion ? Le Mali est-il toujours un pays laïc ?
Les médias jouent un rôle vital dans
les sociétés. Ils permettent de construire une paix durable, favoriser et
promouvoir le dialogue entre les communautés au sein d’une société. Ils doivent
incarner les valeurs de la société à laquelle ils appartiennent. Mais il est
évident que lorsque ce rôle, ainsi que l’éthique et la déontologie de la
profession du journaliste sont incompris au sein d’une société, cela peut être
fatal, notamment pour les journalistes et les rend vulnérables aux pressions
qu’elles soient religieuses ou politiques. Et lorsque dans un Etat laïc, un
seul groupe religieux impose sa vision, cela peut également créer un sentiment
d’injustice notamment contre les minorités religieuses et celles qui ne
disposent d’aucune religion. Une telle situation compromet à l’évidence la
liberté de la presse et la liberté d’expression d’une façon générale dans notre
pays.
Une telle réalité est extrêmement
alarmante, car les médias doivent rester libres, indépendants, impartiaux et
pluralistes. Pendant ces temps difficiles dans l’histoire du Mali, les médias
doivent veiller au respect des droits de l’Homme et ceux des minorités en
particulier. Chaque organe de média a la lourde responsabilité de privilégier
l’approche sociale de la profession en se faisant le porte parole de tous ceux
qui peinent à se faire entendre dans notre société.
Les journalistes doivent plus que
jamais mesurer l’impact de leurs productions sur les populations. Peut-on
imaginer les conséquences pendant cette période de crise, lorsque l’information
n’est pas donnée ou qu’elle est manipulée ou bridée ? Les médias doivent dire
la vérité et évoquer les inquiétudes des populations.
Le Haut Conseil Islamique a-t-il
vraiment conscience de la fonction des médias et en particulier celle de l’ORTM
? a-t-il pensé aux autres religions dans le pays ? Ne sommes-nous pas entrain
de nous diriger vers une islamisation du Mali et ne risquerons-nous pas
d'ignorer, voir exclure les minorités religieuses dans notre pays.
Nous devons faire attention et être
vigilants, en tant professionnels de médias. Nous avons la responsabilité de
sauvegarder l'éthique et les valeurs propres aux médias, si nous ne voulons pas
perdre à jamais les sacrifices de ceux qui se sont battus pour l'instauration
de la liberté, de l'indépendance et la démocratie au Mali.
Les professionnels des médias
doivent être plus que jamais solidaires, pour traverser ces moments difficiles
que vit le Mali, car le danger d'une perte d'autonomie n'est jamais loin. Nous
devons rester debout et défendre nos valeurs. Je suis consciente de la
difficulté à se faire entendre et à se faire respecter en tant que
professionnels de médias au Mali, particulièrement dans une période comme celle
que traverse le pays, mais est ce vraiment une raison qui justifierait le
laxisme, l’hypocrisie et la manipulation ?
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