Ce dimanche 25
novembre a été célébrée la journée internationale de lutte contre les violences
faites aux femmes. C’est le moment pour plusieurs pays de faire un bilan sur la situation et la condition de la femme
au sein de la société. Si les progrès ont été enregistrés dans une poignée de pays,
dans la grande majorité des Etats, la situation de la femme reste délétère. Et
parmi ces pays figure le Mali, où la
femme a vu se détériorer ses conditions de vie et ses droits s’amenuiser.
Au Mali, les
femmes représentent 52 % d’une population rurale à 80 %, vivant en
dessous du seuil de pauvreté à 64,2 %. Elles constituent un groupe
particulièrement défavorisé, voire marginalisé : aucune instruction pour
71,7% des femmes de 15 à 49 ans, un taux d’alphabétisation faible de 12,1%
contre 48,3% pour les hommes, les taux bruts de scolarisation des filles s’élèvent
à 53,7% contre 75,3% pour les garçons au
niveau de l’enseignement primaire et avec des déperditions plus fréquentes des
filles en cours de cursus scolaire. Les femmes maliennes font aussi face à une forte
mortalité maternelle et un très faible accès aux instances de prises de décision,
une quinzaine de femmes députés sur environ 147 hommes à l’Assemblée Nationale, 3
femmes Ministres sur un Gouvernement de 31 membres, ainsi qu’un statut
juridique des femmes marqué par des dispositions discriminatoires dans les
textes de loi, la non reconnaissance de certains de leurs droits dans les faits
et la méconnaissance de leurs droits par les femmes elles-mêmes.
Quelques faits marquants…
Souvenons-nous,
le
2 décembre 2011, l’assemblée nationale du Mali a adopté à l’unanimité, un
nouveau code de la famille, deux ans après le rejet du précédent, qui accordait
à la femme plus de droits, mais qui a malheureusement manqué la bénédiction
d’une catégorie sociale, notamment les communautés musulmanes du pays. Pendant
que le précédent code limitait l’âge
minimum légal pour le mariage des jeunes
filles à 18 ans, le nouveau, quand à lui l’a ramené à 16 ans. En outre, si le
premier promouvait l’égalité des genres, le second accorde moins de liberté et
d’égalité aux femmes. Ce constat est encore plus effrayant dans un
contexte de conflit et d’occupation des régions maliennes du Nord par les
groupes islamistes.
Les femmes, entre oppressions,
viols, humiliations et privations…
Depuis près de huit mois, les femmes maliennes, particulièrement celles
dans le Nord du pays sont confrontées à une toute autre réalité, à savoir l’occupation
islamiste et ses corollaires qui
n’ont eu d’autres effets que la régression qui mine incontestablement à leurs droits
qui jusque là étaient garantis dans la législation malienne.
L’administration traditionnelle s’étant exilée, les
bandits armés, les terroristes et narcotrafiquants font régner leurs lois en
toute impunité et en toute illégalité. Ils s’autorisent à des pratiques portant
une atteinte grave aux droits et libertés des populations, telles que des
lapidations, des flagellations et des coupures d’oreilles. Les femmes,
désormais considérées comme des objets se voient menacées,
intimidées et privées du minimum de leurs droits au quotidien. Elles doivent se
couvrir de la tête, aux pieds, sous peine de sanctions, sous une chaleur
avoisinant les 40°C et dans un pays autrefois laïc et démocratique et où
personne ne pouvait leur imposer quoique ce soit.
Les
jeunes filles ne sont pas épargnées. Elles sont violées et subissent des
mariages forcés, masqués par des unions à durées déterminées. Car il ne faut
oublier, toute occupation a une fin. Et donc viendra le moment, où la question
relative au sort de toutes ces filles, victimes de viols et de mariages forcés, ainsi qu'à celui
des enfants qui naîtront dans ces unions éphémères se posera.
En
outre, au moment où l’on parle de reconquête de l’intégrité territoriale du
Mali, ne serait-il pas utile de penser la gestion de cette occupation, ainsi
que ses effets collatéraux ? Avons-nous une idée des projets en vue de la
reconstruction du pays et particulièrement celle qui sera propice aux régions
actuellement occupées ? Quels plans avons-nous pour restaurer l’autorité de
l’Etat dans des régions où une partie des populations se dit favorable à la présence des islamistes,
car, dit-elle au moins eux ils sont présents, contrairement aux autorités maliennes.
Quelles sont les plans stratégiques que le Mali compte mettre en place pour faire respecter et consolider
les droits et libertés des populations et ceux des femmes et des jeunes filles
en particulier et en même temps reconquérir leur confiance?
La mise
en œuvre d’une telle politique, ainsi que les réponses à ces questions pourraient
être favorables notamment à la protection des droits des jeunes filles ainsi
que des enfants issus de l’occupation, qui pourraient être perçus plus
tard par la société, comme des enfants de la honte. Cette reconnaissance nationale
constituera un pas vers la cohésion sociale, l’instauration d’une paix durable,
du développement économique, ainsi que l’épanouissement des populations au sein
de leurs propres sociétés.
Pour ce
faire, le Mali aura donc le devoir de prendre son destin en main et mener la
guerre contre l’occupation seul ou avec la communauté internationale. Cette
dernière se montre de moins en moins crédible
dans ses intentions d’aider les Maliens à recouvrer l’intégrité de leurs territoires,
si on en croit aux déclarations faites par Romano Prodi, l’envoyé spécial de l’ONU pour le Sahel.
Car, si le président Nigérian
Goodluck Jonathan a résolument plaidé pour une intervention militaire rapide et
brève dans le Nord du Mali, lors du sommet des chefs d’Etats de la CDEAO, le 11
novembre dernier, Romano Prodi, quant à lui n’envisage
cette intervention qu'à partir de septembre 2013. Ce dernier croit
encore à une solution politique de la crise malienne et souhaite se donner du
temps soit pour convaincre les Africains et le Mali en particulier d’abandonner
tout projet visant à une intervention militaire, soit une manière pour lui de dire aux autorités maliennes de
prendre leurs responsabilités face à l’envahissement terroriste sur leurs territoires.
Et si on devenait un peu plus réaliste ?
Comment
devrions-nous interpréter la déclaration de Prodi, quand on sait que le Mali a
été encouragé et a même subi des pressions notamment internationales pour
formuler une requête auprès de la CEDAO et de l’ONU en vue d’une intervention
militaire ? Et au moment où tout semble conduire le pays à l’option
militaire, des voix, non moins importantes se lèvent pour promouvoir la
solution politique et diplomatique malgré la terreur et l’oppression islamiste,
ainsi que les nombreuses violations des droits de l’Homme commises contre les
populations maliennes dans les villes occupées. A ceux-ci s’ajoute la détermination
des terroristes à ne quitter les terres maliennes que jusqu'au dernier coup de
feu.
Cependant,
en attendant le mois de septembre 2013, les populations maliennes, particulièrement
les plus vulnérables, à savoir les femmes, les enfants et les jeunes
continueront à être violées, humiliées et à subir des amputations, des flagellations
et des lapidations, au vu et au su du monde entier, sans que cela ne dérange
qui que ce soit.
Quant à
l’Etat malien, sera-t-il à ce point faible et craintif au point de ne pas
lever le petit doigt contre ceux qui font régner la terreur contre son peuple ?
Ou prendra t-il des initiatives comme l’a fait récemment, le MNLA, un mouvement
très petit par rapport à toute une armée nationale du Mali ? Les autorités
maliennes, ainsi que leur armée manqueraient-elles de volonté à ce
point ? Un adage Bambara n'affirme t-il pas que «mieux vaut mourir que vivre
dans la honte ?
Quelques
soient les solutions en vue de la gestion de la crise, les femmes maliennes
resteront les premières à subir l’indifférence des autorités maliennes, ainsi
que les violences, l’humiliation et les privations imposées par les lois de la
charia. Elles devront encore attendre des années, pour se
voir accordés leurs droits et libertés, dans un pays où la religion prend une
place croissante et où les communautés religieuses, notamment musulmanes influent sur les décisions prises
par des autorités publiques.